L’Anjou étant mon pays natal, j’y attache une certaine importance ainsi que, parfois, il faut bien le dire, une réelle nostalgie. Non que la région parisienne soit désagréable, au contraire, mais il faut bien dire que la Seine n’arrive pas à la cheville de la Loire, dernier fleuve sauvage d’Europe dit-on… 😉 Toujours est-il qu’en évoquant l’Anjou et ses auteurs, il est difficile de faire abstraction d’un certain Hervé Bazin. Voici une figure qui marque ce pays d’une profonde empreinte scripturale !…
Hervé Bazin est né en 1911 à Angers, au sein de l’une de ces familles bourgeoises et chrétiennes qui constituent un peu l’archétype culturel de cette bonne ville. Son père, Jacques-Hervé, est avocat et enseigne le droit à Hanoï. Sa mère, Paule Guilloteaux, est la fille du sénateur du Morbihan Jean Guilloteaux. Enfin, sa grand-mère paternelle est la sœur de l’auteur à l’époque très connu et académicien René Bazin.
C’est dans un petit village du Haut-Anjou, Marans, qu’Hervé Bazin passe son enfance. Une enfance malheureuse, au sein d’une famille tenue par une main de fer : celle de sa mère qui et une femme sèche, autoritaire, sans amour. Gamin, Hervé fugue plusieurs fois et refuse de poursuivre les études toutes tracées qu’on avait prévues pour lui en droit, à l’université catholique. Quand il a vingt ans, il rompt définitivement avec sa famille et intègre la Sorbonne, où il va suivre des études de Lettres. A cette occasion, il volera la voiture de son père pour se rendre à Paris, aura un accident grave et passera de longs mois hospitalisés.
Mais Hervé Bazin restera un véritable angevin de cœur, et il mettra en scène la plupart de ses romans dans l’univers de l’Anjou.
Pour mener ses études, il aura beaucoup de petits boulots, et écrira surtout de la poésie. Il rencontrera Paul Valéry, qui lui conseillera de se mettre à l’écriture du roman. En 1948, après avoir tour de même gagné plusieurs prix de poésie, il met en scène son enfance dans un roman qui le fera connaître du grand public, Vipère au poing. Il narre les mésaventures de Jean Rezeau, surnommé Brasse-Bouillon avec sa mère, l’insupportable Follecoche (« folle cochonne »), une figure proche de ce qu’était la propre mère d’Hervé Bazin. La carrière de notre écrivain est lancée. Il se spécialisera dans les romans naturalistes et psychologiques, décrivant les mœurs de l’époque avec un trait d’une grande finesse. Les héros de Vipère au poing sont aussi ceux de La Mort du petit cheval et du Cri de la chouette.
Hervé Bazin se rapprochera ensuite de l’extrême gauche et du Mouvement de la Paix idéal pour s’opposer à sa famille qui est d’une droite conservatrice et chrétienne. Il participe en 1950 à la revue La Nouvelle Equipe française aux cotés d’Audiberti, de Druon, de Maurois ou d’Auclair.
Quelques années plus tard, il témoignera, d’après sa propre expérience personnelle, de l’état déplorable des établissements psychiatriques en France et entreprend un tour de France de ces hôpitaux accompagné par le photographe Jean-Philippe Charbonnier. Cette enquête sera publiée en 1955 dans la revue Réalités.
Il habitera ensuite sur les rives de la Loire, et deviendra membre de l’académie Goncourt en 1960, qui présidera par la suite.
Pur angevin, ses cendres seront dispersées à Angers sur la Maine. La plupart des manuscrits de l’auteur sont aujourd’hui, après une longue et difficile histoire juridique, gardé à la bibliothèque universitaire d’Angers (22 manuscrits et 9000 lettres).