L’un des sujets les plus complexes à comprendre, pour l’esprit humain, est sans doute la physique quantique. Bien sûr, un mathématicien ou un physicien peuvent avoir accès aux équations d’Einstein, de Bohr, d’Heisenberg ou de Schrödinger. Mais ce sont les répercussions philosophiques de la mécanique quantique qui dépassent tout ce que l’esprit est capable d’imaginer. José Rodrigues Do Santos est l’un des rares auteurs capables d’expliquer ces tenants et aboutissants aux lecteurs tout aussi profanes que moi en la matière. Et ceci n’est pas un mince tour de force !…
José Rodrigues dos Santos est un journaliste portugais célèbre en son pays, qui a créé une saga scientifique en faisant évoluer son personnage principal, Tomas Noronha, expert en cryptologie, dans un monde en prise au terrorisme et aux grandes énigmes universelles.
Si le propos n’est pas très original et rappelle bien sûr les classiques comme les romans de Dan Brown mais surtout de l’inventeur du genre, Umberto Eco, la grande affaire de Rodrigues dos Santos est d’enquêter sur les grands mystères scientifiques de notre temps. Son héros, Noronha, est une sorte de gentilhomme tout droit sorti de l’époque humaniste et il possède une culture faramineuse et universelle. Pour aider la police ou la CIA à résoudre des meurtres complexes, il doit décrypter des problèmes d’une immense complexité.
Dans La Formule de Dieu, il s’agit de comprendre les subtilités d’un document rare d’Einstein qui le met sur la piste de la preuve mathématique de l’existence de Dieu.
Dans L’Ultime Secret du Christ, Noronha va enquêter sur une piste l’amenant à décrypter l’énigme de l’existence historique du Christ.
Enfin, dans le troisième et pour le moment ultime volet de la saga, La Clé de Salomon, il va s’agir ni plus ni moins de résoudre l’un des points les plus complexes de la physique, à savoir réunifier la physique générale et la physique quantique.
On pourrait se dire que toutes ces histoires rocambolesques sont un peu trop belles pour être vraies. Pourtant, Rodrigues dos Santos est un bourreau de documentation : les enquêtes menées par Noronha s’appuient entièrement sur des travaux scientifiques ou historiques existants, et font le point justement sur les derniers résultats en cours au CERN ou dans le milieu très fermé des historiens des religions.
Dès lors, les révélations de Noronha sont analysées non sous l’éclairage seulement scientifique, mais également et surtout philosophique. Ainsi, dans le dernier opus, on apprend que la physique quantique explique un univers qui n’est particulaire que s’il est analysé par une conscience, mais que, sinon, il n’est qu’ondulatoire. Cette propriété signifie que si la Lune n’est pas regardée, elle n’existe pas. Elle signifie également que l’univers, comme le cerveau, est un ordinateur quantique doué de conscience…
Le défaut principal des romans de Rodrigues dos Santos est que, parfois, la vraisemblance de l’intrigue souffre de la démonstration scientifique, quand par exemple Noronha, traqué par des tueurs, se lance dans une analyse détaillée de l’équation de Schrödinger qui dure plus d’une heure.
Pour autant, une fois ce travers évacué, il faut admettre qu’il est bien rare de trouver des ouvrages de vulgarisation scientifique aussi bien menés, qui parviennent à maintenir l’attente du lecteur jusqu’au bout tout en mêlant suspens, réflexion, analyse scientifique et, aussi, plaisir de la lecture.
De bons romans pour un été pensif !…
Un extrait de L’Ultime Secret du Christ
Un bruit étouffé attira l’attention de Patricia.
— Qui est là ?
Ce bruit semblait provenir de la salle d’inventaire, tout près de la salle de consultation des manuscrits, où elle se trouvait ; mais elle ne remarqua rien d’anormal. Les livres étaient là, alignés sur les rayons richement ornés de cette aile de la Bibliothèque vaticane, ils étaient comme assoupis dans l’ombre que la nuit projetait sur leurs reliures poussiéreuses. C’était sans doute la plus ancienne bibliothèque d’Europe, et peut-être aussi la plus belle, mais, le soir, il s’en dégageait une atmosphère inquiétante.
— Mon Dieu… murmura-t-elle pour chasser la peur irrationnelle qui venait de l’envahir. Je regarde trop de films !
Sans doute était-ce l’employé de nuit, pensa-t-elle. Elle consulta sa montre ; les aiguilles indiquaient presque 23 h 30. D’ordinaire, la bibliothèque n’était pas ouverte au public à cette heure-ci, mais Patricia Escalona était devenue une amie intime du prefetto, monseigneur Luigi Viterbo, qu’elle avait accueilli à Saint-Jacques-de-Compostelle lors du jubilaire de 2010. En proie à une crise mystique, monseigneur Viterbo avait décidé de suivre les Chemins de Saint-Jacques et, par le biais d’un ami commun, il avait fini par frapper à la porte de l’historienne. Elle l’avait hébergé chez elle, un bel appartement situé dans une ruelle juste derrière la cathédrale.
Lorsqu’elle était arrivée à Rome pour consulter ce manuscrit, Patricia n’avait pas hésité à solliciter le prefetto, qui avait aussitôt accédé à sa demande et, en remerciement de l’accueil qu’il avait reçu à Compostelle, il avait ordonné l’ouverture nocturne de la Bibliothèque vaticane.
Mais il fit encore davantage. Le prefetto exigea qu’on mît l’original à la disposition de Patricia. Bonté divine, il ne fallait pas ! avait répondu Patricia, un peu gênée. Les microfilms auraient amplement suffi. Mais monseigneur Viterbo tenait à la choyer. Pour une historienne de son envergure, avait-il insisté, seul l’original pouvait convenir.
Et quel original.
La chercheuse galicienne effleura de ses doigts gantés les caractères bruns, tracés par la main scrupuleuse d’un pieux copiste, et les pages de vieux parchemin maculées par le temps et soigneusement protégées par des films transparents. Le manuscrit était composé d’une manière qui lui rappelait le Codex Marchaliamus ou le Codex Rossanensis. Sauf que celui-ci avait bien plus de valeur.
Elle inspira profondément et en huma l’odeur singulière. Elle adorait ce parfum de poussière exhalé par le vieux papier… Elle contempla d’un regard amoureux les caractères menus et soigneusement alignés, sans ornements ni majuscules, du grec rédigé en lettres rondes et régulières, aux mots liés, comme si chaque ligne n’était en réalité qu’un seul et même verbe, interminable et mystérieux, un code secret chuchoté par Dieu au commencement des temps. La ponctuation était rare, ici et là apparaissaient des espaces en blanc, des abréviations de nomina sacra, et des guillemets inversés pour les citations de l’Ancien Testament, tout comme elle en avait vu dans le Codex Alexandrinus. Mais le manuscrit que Patricia avait sous les yeux était le plus précieux de tous ceux qu’elle avait pu approcher. Son seul titre imposait le respect : Bibliorum Sacrorum Graecorum Codex Vaticanus B.
Le Codex Vaticanus. Cette relique du milieu du IVe siècle était le plus ancien et le plus complet manuscrit en grec de la Bible, ce qui en faisait le plus important trésor de la Bibliothèque vaticane. C’était inimaginable. Personne, à l’université, ne la croirait.