Les habitants de Besançon, ce sont les Bisontins. Ce soir, j’y suis pour assurer une formation en communication. Première fois à Besançon. Alors, je m’y intéresse, forcément. Jolie ville, assurément. Mais d’un point de vue littéraire, que peut-on y voir ?
Le Doubs est tout méandreux, et la cité fort intéressante dans son plan en damier. Je viens de découvrir la pierre de Chailluz qui est la matière préférée du vieux Besançon. Mais l’intérêt pour la ville de naissance de Vauban, de Fourier, de Courbet, des frères Lumière et de Victor Hugo ne s’arrête pas là.
La célébrité locale, c’est Victor Hugo, évidemment. À sa naissance, son père officier y était en garnison.
Petite anecdote à ce sujet : Hugo cherchait une rime en ‘ole’ dans l’un de ses poèmes, « Les Feuilles d’automne » : il fait donc de Besançon une ville espagnole !
« Ce siècle avait deux ans : Rome remplaçait Sparte
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte.
Et du premier consul déjà par maint endroit
Le front de l’empereur brisait le masque étroit.
Alors dans Besançon vieille ville espagnole
Jeté comme une graine au gré de l’air qui vole
Naquit d’un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix. »
De fait, Besançon fut bien possession espagnole pendant 14 ans, jusqu’à la conquête française en 1674.
C’est en 1833 que Balzac passe à Besançon, chez son ami écrivain et bisontin pure souche Charles de Bernard (auteur de Gerfaut, du Veau d’or et du Nœud gordien, c’est un peu oublié mais très tendance en 1840 !…). Il trouve son appartement tellement intéressant qu’il s’en inspire pour planter le décor de son roman Albert Savarus, une pièce méconnue de sa Comédie humaine.
Besançon est aussi la ville de naissance d’Armand Barthet. Cet auteur, totalement tombé dans l’oubli, fut renommé en son temps pour sa pièce de théâtre en vers Le Moineau de Lesbie. Surtout, un beau jour, invité chez Victor Hugo, il brisa en mille morceaux un fameux négrillon en porcelaine rouge et or. Il reste également dans la postérité pour avoir giflé Charles Baudelaire à propos d’une sombre question de goût littéraire. Un duel fut organisé. Mais l’histoire était tellement ridicule et lassante que les témoins finirent par démissionner, et Baudelaire tourna les talons, laissant Barthet dans sa superbe ridicule.
Tristan Bernard est l’une des célébrités de Besançon. Ses pièces de théâtres sont encore jouées sur les boulevards. Octogénaire, il fut sous l’Occupation arrêté et déporté à Drancy. Sacha Guitry et Arletti intercédèrent en sa faveur, et il fut libéré trois semaines plus tard. De Tristan Bernard, on connaît surtout ses mots croisés malicieux et ses mots d’esprit. Le fameux
« Peut-être que je serai vieille,
Répond Marquise, cependant
J’ai vingt-six ans, mon vieux Corneille,
Et je t’emmerde en attendant. »
… répondant aux Stances à Marquise de Corneille, n’est pas de Brassens, mais bien de Tristan Bernard !
Il en est d’autres (ici tirés de Wikipédia) :
- À propos de l’invasion allemande pendant la Seconde Guerre mondiale :
- « En 1914, on disait « on les aura », eh bien maintenant, on les a. »
- « Comme c’est triste d’avoir si peu d’occupation dans un pays si occupé. »
- À sa femme : « Jusqu’à présent nous vivions dans l’angoisse, désormais, nous vivrons dans l’espoir. »
- À son départ pour le camp de déportation,
- « – De quoi avez-vous besoin M. Tristan Bernard ? – D’un cache-nez. »
- « La mort, c’est la fin d’un monologue. »
- « Il vaut mieux ne pas réfléchir du tout que de ne pas réfléchir assez. »
Besançon a aussi vu habiter en ses murs Jean-Jacques Rousseau, Érasme de Rotterdam et Théodore Fontane. Sans aucun doute, on a déjà vu pires références !
Pour finir ce petit intermède bisontin, quelques citations récréatives rendant hommage à cette sympathique cité franc-comtoise.
Après trois jours de marche, on lui apprit qu’Arioviste, avec toutes ses forces, se dirigeait vers Vesontio, la ville la plus importante des Séquanes, pour s’en emparer, et qu’il était déjà à trois jours des frontières de son royaume. César pensa qu’il fallait tout faire pour éviter que la place ne fût prise. En effet, elle possédait en très grande abondance tout ce qui est nécessaire pour faire la guerre ; de plus, sa position naturelle la rendait si forte qu’elle offrait de grandes facilités pour faire durer les hostilités : le Doubs entoure presque la ville entière d’un cercle qu’on dirait tracé au compas ; l’espace que la rivière laisse libre ne mesure pas plus de seize cents pieds, et une montagne élevée le ferme si complètement que la rivière en baigne la base des deux côtés. Un mur qui fait le tour de cette montagne la transforme en citadelle et la joint à la ville. César se dirige vers cette place à marches forcées de jour et de nuit ; il s’en empare et y met garnison. (Jules César, La Guerre des Gaules)
Enfin il aperçut, sur une montagne lointaine, des murs noirs; c’était la citadelle de Besançon. « Quelle différence pour moi », dit-il en soupirant, « si j’arrivais dans cette noble ville de guerre pour être sous-lieutenent dans un des régiments chargés de la défendre. » Besançon n’est pas seulement une des plus jolies villes de France, elle abonde en gens de cœur et d’esprit. Mais Julien n’était qu’un petit paysan et n’eut aucun moyen d’approcher les hommes distingués. Il avait pris chez Fouqué un habit bourgeois, et c’est dans ce costume qu’il passa les ponts-levis. Plein de l’histoire de siège de 1674, il voulut voir, avant de s’enfermer au séminaire, les remparts et la citadelle. Deux ou trois fois il fut sur le point de se faire arrêter par les sentinelles ; il pénétrait dans des endroits que le génie militaire interdit au public, afin de vendre pour douze ou quinze francs de foin tous les ans. La hauteur des murs, la profondeur des fossés, l’air terrible des canons, l’avaient occupé pendant plusieurs heures, lorsqu’il passa devant le grand café sur le boulevard. Il resta immobile d’admiration ; il avait beau lire le mot café, écrit en gros caractères au-dessus des deux immenses portes, il ne pouvait en croire ses yeux. Il fit effort sur sa timidité ; il osa entrer, et se trouva dans une salle longue de trente ou quarante pas, et dont le plafond est élevé de vingt pieds au moins. Ce jour-là, tout était enchantement pour lui. (Stendhal, Le Rouge et le noir)
Il y avait un certain temps que je flânais dans les rues tranquilles de la curieuse ville de Besançon, qui se dresse comme un promontoire dans une boucle de la rivière en fer à cheval. Vous trouverez sans doute dans les guides que Victor Hugo y naquit et que c’est une ville de garnison aux nombreux forts, proche de la frontière française. Mais vous ne trouverez pas dans les guides que les tuiles de ses toits semblent d’une teinte plus délicate et plus insolite que les tuiles de toutes les autres villes du monde; que ces tuiles ressemblent aux nuages menus d’un étrange coucher de soleil aux écailles chatoyantes de quelque étrange poisson. Il ne vous diront pas que dans cette ville le regard ne peut se poser sur rien sans y découvrir quelque attrait, parfois magique: un visage sculpté au coin d’une rue, une arche mutilé par laquelle on voit luire des champs verts, ou quelque couleur inattendue dans l’émail d’un clocher ou d’un dôme. (Gilbert Chesterton, Tremendous Trifles)
Chéri, aimerais-tu me faire un grand plaisir ? Emmène-moi cet après-midi à Besançon… Ta mère m’a tellement chanté les charmes de cette ville que j’aimerais la visiter… Nous y ferons une promenade d’amoureux… (Guy des Cars, Le Château de la Juive)
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Est-ce un virus qu’on attrape (Dou ouap)
Surtout à Besançon dans le Doubs. (Michel Jonasz, Minuit sonne)
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