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Boulogne-Billancourt : visite à travers ses auteurs

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Boulogne-Billancourt. Vue de loin, probablement une banlieue de Paris dont on connaît le bois pour ses multiples particularités. Vue de plus près, un véritable musée à ciel ouvert de l’architecture des années 30. Mais l’un des attraits de Boulogne réside aussi, outre son glorieux passé industriel et son tonitruant présent tertiaire, dans ses quelques figures littéraires emblématiques…

Le temps des cerises

Un certain Jean-Baptiste Clément, Montmartrois et communard, est né à Boulogne. Devenu journaliste de Gauche sous la houlette de Jules Vallès (dont vous pouvez admirer la calligraphie sur les bords du site PluMe), il eut quelques soucis avec son engagement. En 1867, il dut fuir en Belgique, où il écrivit sa célèbre chanson ‘Le Temps des cerises’. Révolution échouée, comme la Commune, ou amour perdu ?…

Mais il est bien court le temps des cerises
Où l’on s’en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d’oreilles.
Cerises d’amour aux robes pareilles (vermeilles)
Tombant sous la feuille en gouttes de sang.
Mais il est bien court le temps des cerises
Pendants de corail qu’on cueille en rêvant.

Un peu plus tard, le symboliste Édouard Ducoté, Boulonnais pur jus, fonde la revue « Ermitage ». Il n’est plus très connu, cet ami de Rémy de Gourmont, Henri Ghéon, Jean Moréas et Paul Claudel. Mais sans lui, il est probable qu’André Gide n’aurait pas été si vite célèbre ! En effet, ce dernier publiait dans « Ermitage » des chroniques littéraires très suivies, notamment sur Nietzsche, Mallarmé ou Barrès. Ce sera un peu son tremplin professionnel, avant qu’il ne prenne son envol définitivement dans la Revue blanche et devienne l’écrivain que l’on sait.

Boulogne sur Neva

Boulogne est aussi une terre d’élection des auteurs russes. L’un des plus fameux est sans doute Vladislav Khodassevitch. Lui aussi est un peu oublié aujourd’hui. Mais c’était un poète symboliste dont les études sur Pouchkine étaient particulièrement respectées. Il a fortement contribué à faire connaître la littérature russe en France (Nécropole, 1938) et est un grand ami de Nabokov. Sa compagne pendant un temps, Nina Berberova, vécut aussi un épisode boulonnais, où elle écrivit les Chroniques de Billancourt (Actes sud). Elle reste la première biographe de Tchaïkovski. Elle est l’auteure de C’est moi qui souligne et de L’Accompagnatrice, qui a donné lieu au film éponyme de Claude Miller en 1992.

Autre compatriote, Vladimir Pavlovitch Paley, comte von Hohenfelsen (excusez du peu !) : sa destinée complexe l’a fait mourir assassiné après de longs exils, puis il fut canonisé saint martyr de Russie par l’Église orthodoxe. À Boulogne, il a cédé un hôtel particulier qui est devenu ensuite le collège Dupanloup. L’hymne acathiste de la Sainte-Trinité à New York évoque la mémoire de Vladimir :

« Réjouis toi Barbara pieuse fille de sa mère spirituelle, Réjouis-toi.

Réjouis-toi Sergueï courageux confesseur de la vraie foi.

Réjouissez-vous les frères égal au nombre de la Sainte-Trinité.

Réjouis-toi, pour les princes Ioann, Igor et Constantin ils étaient de sages garçons.

Réjouis-toi Vladimir prince et martyr.

Réjouissez-vous vous tous qui avaient lavé vos âmes par votre sang versé.

Réjouissez-vous, vous tous qui avaient comparu devant le Seigneur dans les rangs des nouveaux martyrs et confesseurs.

Réjouis-toi Élizabeta vénérable martyre Elizabeta. »

Il a écrit un grand nombre de recueils de poésie dont Fantômes ou Le Roi de Judée.

Boulogne, une voie royale ?

Mais la grande célébrité locale, c’est bien sûr André Malraux ! Il réside à Boulogne dès 1945, au cœur d’une somptueuse maison de style années 20 art déco. Comme ministre, il y invitera des sommités comme de Gaulle, Simone de Beauvoir, Sartre ou Camus. Malraux devra, la mort dans l’âme, quitter cette maison en catastrophe, puisqu’y sera commis un attentat violent par l’OAS en 1962, en pleine fin de la guerre d’Algérie, à un moment où il n’occupait pas la maison : une petite fille, Delphine Renard, y sera cependant blessée. L’auteur dont les cendres, comme celles de Jean Moulin, reposent au Panthéon, restera comme l’un des grands hommes du siècle dernier, lui qui un jour déclara : « Je fabule, mais le monde commence à ressembler à mes fables »…

Un bon nombre d’autres écrivains sont nés ou ont vécu à Boulogne. De Marc Lévy, auteur au succès éditorial contemporain incontesté à Fabrice Humbert, en passant par Claude Pinoteau ou Elie Wiesel, ont vécu un moment dans cette ville. On pourra aussi évoquer Michel Leiris, ethnologue surréaliste ami de Picasso et de Max Jacob.

Dans un tout autre registre et pour conclure sur une petite note récréative, Claire Castillon, que nous saluons prudemment ici, est une auteure contemporaine de Boulogne. Outre pour ses romans et pièces, elle est connue pour avoir un beau jour envoyé un bocal rempli d’une paire de testicules (d’animaux) à un journaliste de Libé qui lui avait fait une méchante critique, accompagné d’un petit mot gentil disant : « fais gaffe à tes couilles ! »… Comme quoi, Boulogne sait former des caractères romanesques bien trempés !…

En savoir littérairement plus sur Boulogne-Billancourt

La nature est une chose effrayante et même quand elle est fermement domestiquée, comme au Bois, elle donne encore une sorte d’angoisse aux véritables citadins. Ils se livrent alors assez facilement aux confidences. Rien ne vaut le Bois de Boulogne, tout humide, grillagé, graisseux et pelé qu’il est, pour faire affluer les souvenirs incoercibles, chez les gens des villes en promenade entre les arbres. (Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit)

Il paraît que, rien que dans mon petit bout de jardin, il se passe en plein jour plus de choses inconvenantes que la nuit. .. Dans le bois de Boulogne ! Seulement cela ne se remarque pas parce qu’entre fleurs cela se fait très simplement, on voit une petite pluie orangée, ou bien une mouche très poussiéreuse qui vient essuyer ses pieds ou prendre une douche avant d’entrer dans une fleur. Et tout est consommé ! (Marcel Proust, Du Côté de Guermantes)

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