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Salon du livre 2016 : tendances

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Salon du livre 2016 Paris

Pile un mois après la disparition d’Umberto Eco, voici un petit reportage photographique effectué au Salon du Livre de Paris 2016 Porte de Versailles. On y apprend plein de nouvelles choses par rapport aux tendances d’il y a deux ans… Elles ont déjà fort évolué et, pour l’œil qui s’attarde, il faut bien admettre que le Salon confirme son positionnement d’immense hypermarché du livre. La place faite à la BD est toujours étourdissante. Celle aux livres de cuisine aussi, mais moins qu’il y a deux ans. En revanche, les romans ésotériques ont disparu, au profit d’un immense espace dédié aux religions, espace aussi vaste que celui dévolu aux livres de cuisine. Le livre numérique est encore plus rare que jamais, tandis que l’auto-édition semble en pleine émergence. J’en sais d’ailleurs quelque chose, puisque j’y ai assuré, avec Sabrina Grimaldi et Jean-Pierre Gérault, une agréable animation au stand de PublishRoom… Autre remarque, le recyclage ou comment créer du neuf avec du vieux, semble plus que jamais à l’ordre du jour… Chénier disait : « Sur des pensers nouveaux, faisons des vers antiques ». Aujourd’hui, c’est le contraire : sur des pensées antiques, faisons des produits nouveaux. Serait-on en quête de sens en se réfugiant profondément dans d’anciennes valeurs aussi peu novatrices qu’inaltérables ?… La réponse en images 🙂

Du neuf avec du vieux ?…

Mais non, ni Alice au Pays des Merveilles, ni les Comics, ni Bidget Jones ne sont morts et enterrés. Vous pariez ?…

Alice au Pays des Merveilles version 2016

Alice au Pays des Merveilles version 2016

... et une queue ininterrompue à la caisse...

… et une queue ininterrompue à la caisse…

Même les vieux jeux vidéo deviennent de la BD - et je ne parle pas de Mario...

Même les vieux jeux vidéo deviennent de la BD – et je ne parle pas de Mario… Le plaisir avec les droits dérivés, c’est qu’ils permettent de tout adapter dans toutes les formes. Ou comment relancer des jeux vieux de 30 ans…

Existe-t-il plus récent que Batman ?...

Existe-t-il plus récent que Batman ?…

Plus récent oui, mais à ce point recyclé, pas sûr...

Plus récent oui, mais à ce point recyclé, rien n’est moins sûr…

Ah ! Bridget Jones, le retour !...

Ah ! Même Bridget Jones est de retour !… On la croyait pourtant enfin casée, depuis le temps !…

Prier ou manger ?

Très étonnante, cette proximité entre table gastronomique et table d’émeraude… Cuisine, religion… deux vieux repères de la famille ? Mais l’un et l’autre n’ont pas encore le même succès au Salon du Livre… en attendant l’année prochaine ? Quelques preuves…

Encore de grandes nouveautés, cette fois-ci sur l'art culinaire. A quand les recettes des petits pois par Platon ?...

Encore de grandes nouveautés, cette fois-ci sur l’art culinaire. A quand les recettes des petits pois par Platon ?…

Lire ou manger ?... Cruel dilemme.

Lire ou manger ?… Cruel dilemme. Les marketeux ont trouvé en tout cas qu’une icone de poulet rôti vend plus qu’une icone orthodoxe…

Ici, pas de conférence littéraire, mais... culinaire.

Ici, pas de conférence littéraire, mais… culinaire.

A proximité immédiate, le carré dédié aux religions. Un peu plus zen. Question de recueillement sans doute.

A proximité immédiate, le carré dédié aux religions. Un peu plus zen. Question de recueillement sans doute.

...et ici, une conférence religieuse où un ange passe...

…et ici, une conférence religieuse où un ange passe…

Lire ou regarder les images ?

Nouvelle tendance, transformer les textes en images. Beaucoup d’efforts en la matière, sans doute corrélés à l’immense attrait de la BD au détriment des sciences humaines. Là encore, des preuves en images, puisqu’il semble que ce soit la mode pour rendre ses dires crédibles…

La Bible en BD, c'est tout de même moins pénible à lire.

La Bible en BD, c’est tout de même moins pénible à lire. J’attends avec impatience le Coran en BD, aussi probable que de la viande de porc casher…

D'ailleurs, de la religion à l'heroïc fantasy, au Salon, il n'y a qu'un pas.

D’ailleurs, de la religion à l’heroïc fantasy, entre culture et religion, au Salon du Livre, il n’y a qu’un pas.

Et la ficelle du dessin fonctionne bien, très bien même. Le texte aurait-il du plomb dans l’aile, lecteur es-tu las ? Ou est-ce plutôt le marketing éditorial qui donne des idées géniales et novatrices aux majors ?

Du roman graphique. On connaissait les splendides travaux de Tardi sur Céline, on connaissait les mangas pour adulte... Encore un prototype de recyclage de concept ?...

Du roman graphique – attention, ce n’est pas de la BD… On connaissait les splendides travaux de Tardi sur Céline, on connaissait les mangas pour adultes qui ne datent pas d’hier au Japon et qui sont bel et bien des romans dessinés… Encore un prototype de recyclage de concept ?… Au vu du résultat, à chacun de se faire une idée sur le sujet…

Même les biographies, qui étaient un fond de commerce énorme pour les éditeurs il y a dix ans, passent sous le rouleau compresseur du dessin.

Même les biographies, qui étaient un fonds de commerce énorme pour les éditeurs il y a dix ans, passent sous le rouleau compresseur du dessin. Quant au documentaire en BD, c’est toujours plus agréable pour comprendre les problématiques de la géopolitique actuelle plutôt que de se rendre du côté des éditions spécialisées, nettement moins sexy.

Et là, le top du top : la série des guides pratiques en BD. Au cas où le texte perturberait les lecteurs.

Et là, le sommet de l’art : la série des guides pratiques en BD, au cas où le texte perturberait les lecteurs. J’ai hâte de lire le management ou le piano pour les Nuls en BD. Beaucoup de productions dessinées pour les femmes enceintes, également. On reste tout de même dans le pays d’Europe avec le plus grand taux de fécondité, ceci expliquant cela…

Et les classiques, dans tout ça ?

Les classiques sont devenus des produits exotiques !

Pas si étrange que les classiques soient devenus étonnants...

… Ils sont même devenus étonnants !

...ni les savoirs en mutation...

…C’est normal, puisque les savoirs sont en mutation…

Pendant ce temps, les dédicaces des auteurs classiques ne désemplissent pas (à l'inverse des stands)

Pendant ce temps, les dédicaces des auteurs classiques ne désemplissent pas (à l’inverse des stands dédiés aux romans traditionnels qu’ils produisent eux-mêmes pour la plupart).

On commencerait presque à croire que, chez les majors, ce sont les auteurs qui deviennent des produits au détriment des textes

On commencerait presque à croire que, chez les majors, ce sont les auteurs qui deviennent des produits au détriment des textes eux-mêmes. Ce n’est pas notre bon Jean d’Ormesson national qui dirait le contraire, lui placé en tête de gondole, ce petit veinard qui dira malgré tout que cette vie fut belle…

... ce que certaines scènes semblent corroborer...

Qui au Salon du Livre n’oserait prétendre que le « star system » prend le pas sur le texte ?…

... avec l'art et la manière d'attirer du monde loin de ce qui ressemble à un bon vieux roman.

… avec l’art et la manière d’attirer du monde loin de ce qui ressemble à un bon vieux roman…

... dans un monde où ce qui finit par compter, c'est la "scène littéraire" plus que le texte lui-même. Marchandisation du livre oblige...

… dans un monde éditorial où ce qui finit par compter, c’est la « scène littéraire » plus que le texte lui-même ? Le livre est devenu un objet de consommation courante. Comme 20 % des auteurs, et à l’inverse de 80 % des autres acteurs du métier du livre (article à venir sur PluMe à propos du métier de correcteur) – majors et distributeurs exclus…

Mais cette année, toute cette métamorphose entamée depuis les années 2000 était particulièrement visible, et assumée. Nous sommes en plein changement, mais la subtilité de ce changement est terminée, le masque (et la plume) sont tombés.

Tandis que les vrais espaces de culture ressemblaient plutôt à ceci...

Tandis que les espaces dédiés à la culture ou aux sciences humaines ressemblaient plutôt à ceci…

... l'avenir du Livre et du roman est peut-être là...

… l’avenir du Livre et du roman en France se trouvait peut-être là…

... dans l'auto-édition où l'auteur prend son destin en main outre toute cette foire commerciale...

… dans l’auto-édition où l’auteur prend son destin en main outre toute cette foire commerciale… D’ailleurs, cette année, même si les stands étaient encore placés dans un coin, ils étaient plus nombreux qu’il y a deux ans. Il y a donc bien une demande réelle des auteurs et des lecteurs, n’est-ce pas ?…

... et puisqu'on parle des fondamentaux, dans le cœur du métier : l'écriture et le texte, le texte et le lecteur (ici un atelier d'écriture qui a eu un très franc succès)...

Et puisqu’on parle des fondamentaux éditoriaux : l’écriture et le texte, le texte et le lecteur (ici un atelier d’écriture qui a eu un très franc succès) devraient peut-être rester au cœur des métiers du livre, tout le reste n’étant qu’au service technique de ces fondamentaux…

Tout ceci pour conclure : il faudrait être aveugle pour ne pas constater que les milieux de l’édition sont en plein bouleversement, comme le reflet d’une certaine crise sociale ou culturelle dont tout un chacun est plus ou moins conscient tout en le ressentant de manière diffuse ou directe dans son quotidien.

Mais nous ne crierons pas « au loup' », car nous savons que la littérature a traversé bien d’autres mutations et s’en est toujours relevée en plusieurs siècles d’existence. Et je pense très sincèrement que c’est l’auto-édition et l’émergence de petites maisons fondées sur ce principe qui rebattra les cartes d’ici quelques années. Lorsque les auteurs ne souhaitant ni être des produits, ni les dindons de la farce commerciale, chercheront simplement et justement à donner une vraie chance d’exister à leurs textes, pour le bien de tous – y compris pour le plaisir des lecteurs – les grandes maisons actuelles devront trouver de véritables solutions pour faire face. Car ce qui les guette, c’est la professionnalisation d’auteurs-éditeurs à leur détriment : lorsqu’on gère des milliers d’auteurs (56 000 nouveaux titre à la dernière rentrée) et que l’espérance de vie d’un roman moyen est de trois mois, évidemment, c’est la qualité littéraire qui risque de finir par en pâtir. De là à penser que le modèle de vente en masse est incompatible avec la littérature… Seul l’avenir le dira, et en la matière, nul n’est Madame Irma !…

Parce qu’au Salon du Livre, c’est cette année ce qui m’a le plus marqué : la morosité des visages et un manque réel de plaisir et de passion. D’après vous, de quoi est-ce le signe ?…

Bien à vous, amis de PluMe, et à très vite pour de nouvelles aventures dans ce monde si particulier de l’édition ! 😉

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(c) Crédits photos Boris Foucaud

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