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Les limites de la littérature : le surréalisme

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On dit toujours d’une histoire sans queue ni tête ou particulièrement surprenante qu’elle est « surréaliste ». Pour autant, ce mot désigne avant tout un courant littéraire né au premier tiers du XXe siècle. Ce mouvement est international et concerne aussi l’art pictural. Son objectif est d’utiliser les forces psychiques, y compris l’inconscient ou le rêve, pour lutter contre la raison et surtout les idées reçues. Il s’agit d’approcher également le fonctionnement réel de la pensée, hors de toute préoccupation esthétique ou morale. Mais nous allons voir que si tout cela est bel et bon, la littérature a bien failli ne jamais se remettre du surréalisme…

Le surréalisme : rompre avec l’ordre établi

Le mouvement est né dans les années 20, en s’ancrant finalement dans le symbolisme et ses avatars, puis en prenant en considération le surnaturel tel qu’il intéresse l’époque sous la houlette, notamment, de Swedenborg. De fait, tous les auteurs mettant en avant la force du rêve et du symbole intéressent les surréalistes, de Rimbaud à Mallarmé, de Hauffmann à Jarry, de Lautréamont à Baudelaire. Autour de 1916, Tristan Tzara fonde le mouvement Dada en pleine réaction contre les horreurs de la guerre afin de rompre avec les codes bourgeois et une certaine morale en remettant en cause tout ce qui ressemble à l’ordre établi. « Dada » est un mot choisi au hasard dans le dictionnaire.

Le problème de Dada est qu’il prône un engagement très fort, voire aveugle, dans le réel et qu’il suit avec ferveur la révolution de 1917 et la naissance de l’Union soviétique. Ceci entraîne la fin du mouvement, qui sera repris en 1924 dans le Premier Manifeste du surréalisme de Breton, sans cette couche politisée très forte. L’objectif reste tout de même de changer le monde en agissant sur la société, voire l’individu. Le mot lui-même de « surréalisme » est inventé par Guillaume Apollinaire dans une lettre de 1917 à Paul Dermée.

Le surréalisme : changer de vie par l’engagement et l’imaginaire

Pour changer de vie, il faut s’approprier Rimbaud, Marx et Freud. Un lien profond unit le réel et le monde du rêve, et c’est la recherche de ce lien qui unit tous les surréalistes.

Le mouvement ne survivra pas à la mort de son chef de file, André Breton, en 1966. C’est cet auteur qui théorise la pensée du mouvement aux côtés de Eluard, Char, Aragon, Desnos, Prévert, Soupault, Duchamp, Dali et Magritte notamment. Beaucoup d’entre eux intégreront aussi le Parti Communiste Français pour s’ancrer dans le réel et changer le monde.

Leur objectif est donc de libérer l’inconscient. Pour cela, ils utilisent divers procédés littéraires dont le plus connu est l’écriture automatique. Il s’agit ici d’écrire ce qui vient à l’esprit en s’affranchissant de la logique, de la pensée ou du sens des mots. Le but est également de déplacer les choses en surprenant l’esprit, autre manière de remettre Descartes en cause par la force du symbole. De fait, Breton souhaite perpétuer les travaux de Baudelaire en approfondissant fortement le symbolisme.

On injecte également du hasard dans l’écriture. Notamment en jouant au cadavre exquis où chaque participant écrit le morceau d’une phrase sans savoir ce que les autres ont eux-mêmes écrit. Ceci a pour objectif de montrer que le sens d’une phrase n’est pas seulement maîtrisable par la raison.

Dans la même optique, on note aussi les rêves et les hallucinations alcooliques ou sous l’emprise de drogues. On développe également une attitude paranoïaque (Dali) méthodique et systématique afin d’analyser le monde sous un angle inédit.

Le surréalisme et la provocation du réel

Mais l’objectif sous-jacent, révolutionnaire des surréalistes, est surtout la provocation. Les surréalistes se veulent antibourgeois, antisystème, antinationalistes et subversifs. Ils refusent un monde où le travail et les échanges économiques sont au centre. Ils flirtent un temps avec le PCF, ce qui ne se passera pas bien dans la durée. Breton refuse tout assujettissement car il considère au contraire que l’art doit rester libre et donc, hors de tout engagement autre que celui-là même exigé par l’acte créatif seul. Pour autant, des auteurs comme Aragon ou Eluard n’hésiteront pas, au sein du PCF, à récriminer fortement contre la guerre, l’Eglise et tous les obscurantismes. Dénonçant le nazisme dans les années 30, ils déploreront bientôt l’attitude de l’Union soviétique au moment de la « libération » de l’Europe de l’Est. Les surréalistes lutteront également contre la guerre d’Algérie, contre la guerre du Maroc et prôneront un anarchisme romantique qui souhaitera dépasser tout type de totalitarisme.

Ce fut donc un mouvement très cohérent, y compris sur la durée, mais qui eut sans doute le défaut que d’assécher progressivement la création littéraire en refusant avec beaucoup de force, voire de violence, tout ce qui était jugé comme « réactionnaire ». Le fait d’avoir tellement déstructuré la langue a amené à un questionnement sur la création tel, qu’il a été très difficile de dépasser ensuite le chaos littéraire tout en ne revenant pas à d’anciennes formules jugées, justement, réactionnaires. Le Nouveau Roman, notamment, a tenté de revenir à plus de sens sans pour autant y parvenir.

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2 Comments

  1. […] écrivains, mais aussi parmi les théoriciens de la littérature et les critiques. Car une fois que le rouleau compresseur du surréalisme s’est emparé de Freud, il est facile de comprendre pourquoi le freudisme a influencé la littérature. L’imaginaire […]

  2. Avatar Sylvain FOULQUIER dit :

    Le fait que certains surréalistes aient été attirés par le marxisme révèle une contradiction : le marxisme est en effet une idéologie totalitaire présentant de nombreuses similitudes avec le fascisme d’extrême droite, et un surréaliste cohérent avec lui-même ne peut être qu’anti-marxiste. La vision du monde utilitaire et collective, donc totalement aliénante, du marxisme est la négation absolue des valeurs portées par le surréalisme : la poésie, le rêve, la liberté individuelle et l’amour fou.

    Pour autant, les égarements idéologiques et les contradictions de Breton, Eluard, Aragon et d’autres n’enlèvent rien à la beauté et à la force de leurs oeuvres écrites dans les années 1920 et début 1930. Le surréalisme est plus que jamais d’actualité parce que seul il offre à chacun les clefs de la liberté individuelle, face au politiquement correct dominant et à tous les systèmes d’oppression religieux, politiques, idéologiques etc…

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